La Cour supérieure des comptes et du contentieux administratif (CSCCA) a rendu public les résultats de l’audit portant sur la gestion des fonds de la réponse gouvernementale à la pandémie de Covid-19 en Haïti. De mars 2020, date à laquelle les premiers cas de Covid-19 ont été détectés dans le pays à janvier 2021, pas moins de 9,2 milliards de gourdes ont été décaissées. Malheureusement, beaucoup des dépenses engagées dans le cadre de cette pandémie ne sont pas justifiées par les institutions qui les ont effectuées, relève la CSCCA dans son rapport d’audit acheminé au ministère de l’Économie et des Finances en date du 8 juin 2022.
En vue d’apporter les réponses appropriées à la crise sanitaire plusieurs entités ministérielles et /ou indépendantes s’étaient mêlées de la partie. C’est le cas par exemple du MSPP, MENFP, MTPTC, MDE, FAES et SNGRS et autres. Dans le cadre de la gestion de la pandémie, le gros des dépenses a été confié à ces institutions ci-contre mentionnées.
« Les fonds publics alloués aux entités mobilisées pour mener des actions urgentes jugées nécessaires dans le cadre de la lutte contre la pandémie représentaient 9% des dépenses totales de fonctionnement exécutées par l’État au cours de l’exercice 2019-2020. Pratiquement, c’est l’équivalent du montant total des dépenses exécutées par la Primature et le MSPP réunis pour le même exercice. Cet audit est donc aussi important parce que les fonds en jeu devaient être engagés rapidement pour permettre aux Haïtiennes et aux Haïtiens de faire face aux conséquences sanitaires et économiques de la pandémie », a précisé d’entrée de jeu la Cour supérieure des comptes et du Contentieux administratif.
Ainsi, ce rapport d’audit portant sur la gestion de la réponse gouvernementale à la Pandémie de Covid-19, réalisé par la CSCCA conformément aux dispositions constitutionnelles et légales autorisant ses contrôles, a été sollicité par le ministère de l’Économie et des Finances, a écrit la CSCCA dans sa lettre de couverture dudit rapport. Il s’agit, selon le tribunal administratif, d’une évaluation indépendante, objective et fiable de la façon dont le Gouvernement avait géré les activités planifiées et les ressources correspondantes, et avait assumé les responsabilités qui lui incombaient notamment en matière de reddition de comptes dans le cadre de la gestion de la crise sanitaire.
Dans ce rapport, la Cour dit avoir constaté que, pendant la période considérée, 88% des fonds alloués avaient été dépensés. Les entités comme la PNH, le MSPP, le MDE, le FAES et dans une moindre mesure le MTPTC avaient enregistré les meilleures performances en termes de dépenses. Le MENFP, qui avait la responsabilité de la mise en place d’une prestation sociale pour une catégorie de personnes directement touchées par la crise, n’avait pas atteint le seuil d’utilisation de 13% des fonds alloués, a noté la CSCCA qui parle de mauvaise performance de la gestion du MENFP dans le cadre de ce dossier.
« Il ne fait aucun doute que la mauvaise performance du MENFP a privé de l’aide financière de l’État la plupart des écoles ciblées dont les travailleurs, partagés entre les personnels administratif et enseignant, avaient perdu leur revenu pendant la pandémie. Les documents consultés attestent que l’institution s’est butée sur des difficultés majeures, administratives pour la plupart, mais aussi relevant des déficiences internes, qui avaient entravé la distribution de la prestation », a fait savoir la CSCCA, précisant que sur les 16 606 écoles ciblées, moins de 5 % seulement avaient été touchées de la prestation gérée par le MENFP.
Pour ce qui a trait au FAES, il avait la responsabilité de la mise en place d’un dispositif de compensation pour pertes de revenus pour les ouvriers du Parc industriel de la SONAPI en plus de la gestion de deux autres prestations pour les ménages vulnérables : des kits alimentaires et des transferts monétaires. Par l’intermédiaire des entreprises du Parc et de la compagnie de téléphone Digicel, le FAES avait pu toucher respectivement un nombre de 53 906 ouvriers, qui avaient reçu chacun un montant de 3 750.00 gourdes, et de 319 759 ménages bénéficiaires d’un transfert de 3 000 gourdes, après le prélèvement des frais de 72.00 gourdes. En ce qui concerne la distribution des kits alimentaires, le volet qui représentait plus de 46% des fonds alloués au FAES, les interrogations demeurent quant à l’efficacité de la méthode utilisée pour atteindre les personnes en situation d’insécurité alimentaire.
Le ministère de la Santé publique et de la Population (MSPP) était placé au cœur des dispositifs de protection mis en place pour venir en aide à la population dans le cadre de la gestion de la crise sanitaire. Avec des financements massifs mis à sa disposition, le ministère avait la capacité de poser de multiples actions à fort impact à travers le territoire national, d’autant qu’il était appuyé par des partenaires apportant des concours sous différentes formes ou qui intervenaient directement. « Sans les rapports de gestion appropriés, la Cour ne pouvait apprécier aucune facette de la gestion faite par le Ministère dans le cadre de la lutte contre la pandémie de Covid-19. Il en résulte une défaillance susceptible de porter préjudice à la planification publique, dans la mesure où il est impossible de savoir sur la base des informations vérifiées si le système national de santé est sorti, par exemple, renforcé de cette crise sanitaire majeure », ont écrit les auditeurs de la Cour.
Dans le cas des entités comme le MTPTC, le MDE, le SNGRS, la CSCCA dit avoir déjà analysé leur performance en termes de capacité d’absorption. Mais, en raison du fait qu’elles n’avaient pas communiqué sur leur performance même tardivement à travers les rapports de gestion, la Cour n’a pas pu apprécier l’atteinte des résultats. Par exemple, précisent les auditeurs, dans le cas du MTPTC qui se proposait d’intervenir sur tout le territoire national, les pièces justificatives des dépenses transmises laisseraient entendre que son intervention était limitée aux départements du Nord-Ouest, du Nord-Est et de l’Artibonite.
Dans son examen sur pièce, la Cour a vérifié les pièces justificatives des dépenses effectuées dans le cadre de la gestion de la réponse gouvernementale. Cet examen a révélé que les changements au niveau de la direction des organes de l’État peuvent être préjudiciables au suivi des dossiers administratifs. « Lors des procédures contradictoires lancées en vue de la validation officielle des constatations du présent rapport d’audit, les représentants désignés par certaines entités pour y prendre part ont montré une réelle méconnaissance des dossiers. Il en résulte qu’ils ne pouvaient ni participer valablement ni honorer les engagements pris en vue de transmettre certains documents ou de communiquer certaines informations additionnelles », ont informé les responsables de la CSCCA.
Plus loin, la Cour a précisé qu’en plus des problèmes liés à la traçabilité des dépenses, elle a constaté que la liste des pièces justificatives à joindre obligatoirement au mandat de dépense n’était pas une fonctionnalité bien établie. « Les constatations portant sur les anomalies relatives à ce problème portent sur l’absence de pièces justificatives de dépenses, les pièces justificatives insuffisantes avec une forte présence d’absence d’attestation de service fait ou d’autres documents pertinents, ou encore sur les pièces justificatives irrégulières comportant une forte présence d’attestation de service fait non-valide. Les implications financières de ces anomalies sont suffisamment importantes pour exiger des efforts en vue de la consolidation des résultats attendus de la sécurisation de la chaine des dépenses », a révélé la CSCCA qui se dit dans l’impossibilité maintenant de faire des conclusions quant à la gestion de ces fonds mobilisés dans le cadre de la réponse à la pandémie du Covid-19 en Haïti.
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