À l’initiative de la Banque de la République d’Haïti, du ministère de l’Éducation nationale, le ministère de l’Économie et des Finances et Aflatoun International s’est tenu, cette semaine, un atelier d’orientation et d’intégration de l’éducation sociale et financière dans les curricula d’enseignement en Haïti. Prenant la parole, le gouverneur de la Banque centrale a rappelé certains chiffres susceptibles de donner le tournis en ce qui a trait à l’exclusion financière en Haïti. Seuls 11 % de la population est bancarisée alors que plus de 46% sont exclus des services financiers.
L’inclusion financière telle que définie par le Rapport sur le développement dans le monde de 2014 (banque mondiale 2014) fait référence à la proportion d’individus et d’entreprises qui utilisent des services financiers. Haïti, selon une enquête de la Banque mondiale en 2019 portant sur la capacité et l’inclusion financière, est classée au bas de l’échelle parmi les pays l’Amérique latine et de la région des Caraïbes, en dépit du fait que des services financiers mobiles soient de plus en plus utilisés.
Des données relatées par Jean Baden Dubois citant un rapport de la Finscope ont corroboré que 67 % d’adultes en Haïti ne comprennent même pas les principes de base en finance. 53 % d’entre eux disent avoir besoin de plus d’informations sur leurs finances personnelles, 51 % ont besoin d’une éducation financière pour mieux épargner alors que 50 % en ont besoin pour mieux investir, a informé le gouverneur de la BRH croyant que la situation est extrêmement critique et qu’il faut l’adresser au plus vite par des mesures de politique publique concertées.
Au cours de cet atelier qui a réuni les plus hautes autorités monétaires et financières du pays, il a été admis à l’unanimité que l’absence de l’éducation financière dans le cursus scolaire est un obstacle majeur au développement du pays. Le constat est fait. Mais, entre le constat et la réalité des faits, il existe un monde de différence. Comment aspirer au développement socio-économique dans un pays où le crédit demeure la chasse gardée d’un petit groupe de nantis ? Comment parvenir à la croissance économique lorsque 87 % de la population n’ont pas accès au crédit et plus de 90 % ne détiennent pas d’assurance (selon des données de la Finscope 2018)?
Or, de l’avis de plus d’un, la démocratisation de crédit est une condition indispensable à toute société qui vise le développement socio-économique. Combien de projets novateurs pourrissent dans les tiroirs par faute de crédit ? Selon la dernière note sur la politique monétaire de la BRH, le crédit net en monnaie locale a crû de 2 % par rapport au premier trimestre pour s’établir à 70,9 milliards de gourdes au 28 février 2022. Le portefeuille de crédit net global se chiffre à 134,7 milliards de gourdes alors que les dépôts totaux du système au mois de février ont atteint 436,9 milliards de gourdes, soit une progression de 0,85 % par rapport au premier trimestre 2022.
Le système bancaire haïtien, au regard de ces chiffres, est loin d’être un pro-développement. Les banques sont de véritables caisses d’épargne qui se contentent uniquement de leurs profits.
En effet, conformément à l’objectif 8 des ODD relatif au travail décent et à la croissance économique, l’État doit se démener pour créer le cadre nécessaire à l’investissement. Tout en encourageant l’éducation financière dans les écoles et les universités, les autorités monétaires et financières doivent également penser à mettre en place des politiques susceptibles de libérer le marché du crédit en Haïti. Il est temps de passer à l’action pour tirer le pays du bourbier du sous-développement.
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